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mercredi 6 juillet 2016

Comment le néolibéralisme détruit la démocratie.









Plusieurs textes ont déjà été publiés ici pour tenter de réfléchir à la nature du néolibéralisme et aux dangers qu'il représente. On pourra notamment relire Le néolibaralisme a-t-il été surestimé ? un texte très modéré mais provenant du cœur même du réacteur puisque signé par des économistes du FMI. De même, on peut consulter cette traduction d'un éditorial paru dans le Guardian : Une idéologie à la source de nos problèmes, le néolibéralisme

Pour continuer cette série, voici un article de la politiste américaine Wendy Brown. C'est un texte ancien (2004) mais très actuel. Il permet de comprendre que le néolibéralisme n'est pas le libéralisme classique, mais qu'il est au contraire en train de tuer la démocratie libérale. Une version plus longue en français (avec des propositions spécifiquement destinées à la gauche) est disponible ici. La version intégrale de l'article en anglais est disponible ici. Pour faciliter la lecture de ce texte dense, certains passages ont été mis en exergue. 


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Par Wendy Brown 


En préalable à une réflexion sur la rationalité politique néo-libérale, il peut être utile de souligner la différence communément admise entre libéralisme politique et libéralisme économique - différence d’autant plus difficile à démêler en Amérique que « liberal » y désigne un point de vue politique progressiste qui défend en particulier l’État-providence et d’autres institutions du New Deal, et soutient le principe d’un degré relativement élevé d’intervention politique et législative en matière sociale.

Pour aller vite, la pensée économique distingue le libéralisme du mercantilisme d’une part, du keynésianisme ou du socialisme de l’autre. Dans sa version classique, le libéralisme économique consiste en une maximisation du libre-échange et de la concurrence grâce à une intervention minimum des institutions. Dans l’histoire de la pensée politique, le libéralisme, dont la liberté individuelle constitue la pierre de touche, désigne un système dans lequel la raison d’être de l’État est la garantie, sur des bases formellement égalitaires, de la liberté des individus. Un système politique libéral est donc également compatible avec une politique économique libérale ou keynésienne.

Insistons-y : ce qu’on appelle aujourd’hui « néo-libéralisme » renvoie à la variante économique du terme (la remise au goût du jour d’une série de postulats pré-keynésiens sur la production et la distribution des richesses) plutôt qu’à sa variante politique (un ensemble d’institutions ou de pratiques politiques). On va le voir, ce qu’il y a de « néo » dans « néo-libéralisme » consiste pourtant à établir les principes du libéralisme économique sur des bases d’analyse sensiblement différentes de celles que faisait valoir Adam Smith. Le néo-libéralisme n’est d’ailleurs pas uniquement un ensemble de mesures économiques. Il ne s’agit pas seulement de faciliter le libre-échange, de maximiser les profits des entreprises et de remettre en cause les aides publiques. En effet, de l’esprit du sujet-citoyen aux pratiques impériales en passant par l’Éducation, rien n’échappe à l’analyse néo-libérale, quand elle est traduite en gouvernementalité. Si la rationalité néo-libérale met le marché au premier plan, elle n’est pas seulement - et n’est même pas d’abord - centrée sur l’économie ; elle consiste plutôt dans l’extension et la dissémination des valeurs du marché à la politique sociale et à toutes les institutions, même si le marché conserve en tant que tel sa singularité. D’où l’objet de cet article : explorer les implications politiques de la rationalité néo-libérale sur la démocratie libérale - implications qui correspondent à ce qu’il est convenu d’appeler le « tournant néo-libéral », qui les légitime et qu’elles légitiment en retour.

Les principales caractéristiques de la rationalité néolibérale sont les suivantes : le politique, et avec lui toutes les autres dimensions de l’expérience contemporaine, est soumis à une rationalité économique. Pour le dire autrement, l’être humain est intégralement conçu comme homo oeconomicus, et toutes les dimensions de la vie sont modelées par la rationalité marchande. En conséquence, toute action et toute décision politique obéissent à des considérations de rentabilité, et - c’est tout aussi important - toute action humaine ou institutionnelle est conçue comme l’action rationnelle d’un entrepreneur, sur la base d’un calcul d’utilité, d’intérêt et de satisfaction, conformément à une grille micro-économique moralement neutre, dont les variables sont la rareté, l’offre et la demande. Non seulement le néo-libéralisme conçoit tout, dans la vie sociale, culturelle et politique, comme réductible à un tel calcul, mais il développe aussi les pratiques et les récompenses institutionnelles qui permettent de réaliser cette conception. En d’autres termes, le discours et la politique qui véhiculent ses critères permettent au néo-libéralisme de façonner des acteurs rationnels et des prises de décision dictées, dans tous les domaines, par la logique marchande. Il est donc important de le souligner : dans son exigence de propagation de la rationalité économique, le néo-libéralisme est plus normatif qu’ontologique ; et il préconise à cet effet un cadre institutionnel, une série de mesures politiques et un discours. Le néo-libéralisme est un projet constructiviste : pour lui, la stricte application de la rationalité économique à tous les domaines de la société n’est pas un donné ontologique ; il œuvre donc, comme on va le voir, au développement, à la diffusion et à l’institutionnalisation de cette rationalité.

À la différence du libéralisme économique classique, qui tire son célèbre « laisser faire » de la propension humaine « au troc et à l’échange », le néo-libéralisme ne considère pas le marché et le comportement économique rationnel comme purement naturels. L’un et l’autre sont construits - ils sont façonnés par la loi et les institutions et exigent une intervention et une orchestration politiques. Loin de prospérer quand elle est laissée à elle-même, l’économie doit être dirigée, soutenue et protégée par la loi et par le gouvernement, tout autant que par la diffusion de normes sociales élaborées pour faciliter la concurrence, le libre-échange et l’action économique rationnelle de tous les acteurs et de toutes les institutions sociales. « Dans la conception ordo-libérale, le marché n’est pas une réalité économique naturelle, dotée de lois propres, qu’un bon gouvernement devrait respecter sans jamais les oublier. Bien au contraire, il ne peut être constitué et pérennisé qu’à force d’interventions politiques [...]. La concurrence n’est pas davantage un fait naturel [...]. Ce mécanisme économique fondamental ne peut fonctionner que si toute une série de conditions sont assurées » affirme Thomas Lemke.

La conception néo-libérale de l’État - et tout particulièrement les lois et les décisions élaborées pour permettre au marché d’exister tout en garantissant son fonctionnement - n’implique pas que le marché soit contrôlé par l’État. Au contraire : le marché est le principe d’organisation et de régulation de l’État et de la société, et ceci selon des orientations différentes :

a) L’État doit obéir aux besoins du marché, que ce soit par des mesures politiques et fiscales, sa politique d’immigration, son traitement de la criminalité ou la structure du système éducatif. La rationalité néo-libérale étendue à l’État indexe le succès de celui-ci sur sa capacité à soutenir et à nourrir le marché, et attache sa légitimité à son succès en ce domaine. Il s’agit là d’une forme nouvelle de légitimation qui se distingue de la conception hégélienne ou de celle de la Révolution française - la conception de l’État constitutionnel comme le nouvel universel représentatif du peuple. Lemke décrit ainsi l’analyse foucaldienne de la pensée ordo-libérale : « La liberté économique produit la légitimité d’une forme de souveraineté dont l’unique objet est la garantie de l’activité économique [...]. Soit un État qui n’est plus défini en termes de mission historique, mais qui tire sa légitimité de la croissance économique ».

b) La rationalité marchande enveloppe et anime l’État lui-même - la rentabilité, mais aussi un calcul généralisé des coûts et des bénéfices, en viennent à servir de mesure à toutes les pratiques de l’État. Tout discours politique, quel qu’en soit l’objet, se formule dans les termes de l’entreprise. L’État ne doit pas seulement s’intéresser au marché, il doit penser et se conduire comme un acteur du marché, et ce dans toutes ses fonctions, y compris la fonction législative.

c) Des points (a) et (b), il s’ensuit que la santé et la croissance de l’économie fondent la légitimité de l’État : parce que l’État est directement responsable de la santé de l’économie ; et parce que les pratiques de l’État sont soumises à la rationalité économique. Dans ces conditions, « It’s the economy, stupid » est bien davantage qu’un slogan de campagne électorale : s’y formule en effet le principe de légitimité de l’État et la base de son action.

L’extension de la rationalité économique à des domaines ou à des institutions jusque-là considérés comme non-économiques concerne aussi les conduites individuelles. Pour être plus précis, elle prescrit les comportements des sujets-citoyens adéquats à un système néo-libéral. Là où le libéralisme classique maintenait une distinction, et parfois même une tension, entre les critères de la morale individuelle ou collective et les actions économiques (d’où les différences frappantes de ton, de types de questions et même de prescriptions entre la Richesse des nations d’Adam Smith et sa Théorie des sentiments moraux), le néo-libéralisme façonne normativement les individus comme des acteurs entrepreneurs, et s’adresse à eux comme tels, dans tous les domaines de la vie. Il représente les individus comme des créatures rationnelles et calculatrices, dont le degré d’autonomie morale dépend de leur capacité à « prendre soin » d’eux-mêmes - de leur aptitude à subvenir à leurs besoins et à servir leurs ambitions. En rendant les individus pleinement responsables d’eux-mêmes, le néo-libéralisme identifie la responsabilité morale à l’action rationnelle. Il résorbe le différend entre les comportements économiques et les conduites morales en réduisant le sens moral à une affaire de délibération rationnelle sur les coûts, les bénéfices et les conséquences. Ce faisant, il élargit considérablement le domaine de la responsabilité personnelle : l’individu qui calcule rationnellement assume l’entière responsabilité des conséquences de ses actes, quelles que soient les circonstances de ces actes. 

Ainsi, la référence, fréquemment entendue, à des « vies déréglées » permet aux pouvoirs sociaux et économiques de se décharger de leurs responsabilités politiques, tout en réduisant la citoyenneté politique à un degré sans précédent de passivité béate. Le citoyen néo-libéral type est celui qui choisit stratégiquement, pour lui-même, entre les différentes options sociales, politiques et économiques, non celui qui œuvre avec d’autres à modifier ou à rendre possibles ces options. Dans un contexte néo-libéral pleinement réalisé, les citoyens seraient tout sauf préoccupés du bien public. Ils formeraient à peine un peuple. Le corps politique n’est plus un corps, mais bien plutôt une collection d’entrepreneurs et de consommateurs individuels - et c’est bien entendu exactement à ce genre d’électeurs que s’adressent la plupart des discours électoraux américains.

L’État doit contribuer d’une manière volontariste à la fabrique du sujet néo-libéral (…). Parce que le néo-libéralisme tient l’action rationnelle pour une norme plutôt que pour une caractéristique ontologique, c’est par la politique sociale que l’État façonne des sujets guidés dans leurs actes par l’évaluation rationnelle des coûts et des bénéfices. Le citoyen néo-libéral calcule plus qu’il ne se conforme aux règles, c’est un benthamien plus qu’un hobbesien. L’État contribue, parmi de nombreux autres acteurs, à fournir un cadre aux calculs déterminant les conduites sociales qui garantissent le maintien de coûts faibles et d’une productivité élevée.

Ce mode de gouvernementalité (l’ensemble des techniques de gouvernement qui excèdent la stricte action étatique et orchestrent la façon dont les sujets se conduisent pour eux-mêmes) fait advenir un sujet « libre » qui délibère rationnellement sur l’ensemble des alternatives, fait des choix, et assume la responsabilité des conséquences de ses choix. De cette façon, affirme Lemke, « l’État conduit et contrôle les sujets sans en être responsable ». En tant qu’« entrepreneurs » individuels de toutes les dimensions de leur vie, les sujets deviennent pleinement responsables de leur bien-être, et accéderont d’autant plus à la citoyenneté qu’ils réussiront dans cette entreprise. C’est par leur liberté que les sujets néo-libéraux sont contrôlés. Ce qui signifie aussi que le retrait de l’État de certains domaines et la privatisation de certaines de ses fonctions ne sont pas un démantèlement, mais consistent plutôt en une technique de gouvernement. Ils sont même la signature technique de la gouvernance néo-libérale, où l’action économique rationnelle étendue à tous les domaines de la société remplace les règles et les obligations explicites de l’État. Le néo-libéralisme déplace « la compétence régulatrice de l’État sur des individus « responsables », « rationnels » dans le but de les encourager à donner à leur vie la forme spécifique d’une entreprise ».

Extension de la rationalité économique à tous les aspects de la pensée et de l’activité ; mise de l’État au service plein et entier de l’économie ; conception de l’État tout court comme une entreprise soumise à la rationalité du marché ; production du sujet moral comme sujet entrepreneur ; élaboration de la politique sociale selon ces critères : cette conjonction peut être interprétée moins comme une nouveauté radicale que comme une intensification de la saturation du social et du politique par le capital. En d’autres termes, on peut envisager la rationalité politique du néo-libéralisme comme la conséquence d’un stade du capitalisme, et y voir la simple confirmation de l’argument de Marx selon lequel le capital pénètre et transforme chaque aspect de la vie - remodelant tout à son image et réduisant chaque valeur et chaque activité à sa froide logique. La seule nouveauté serait ici la soumission flagrante et systématique à cette logique de l’État et de l’individu, de l’Église et de l’Université, de la morale, du sexe, du mariage et des loisirs (…). Une autre façon d’inscrire le néo-libéralisme dans la continuité du passé consisterait à le décrire en recourant, non à l’argument de Marx sur le capital, mais à la thèse de Weber sur la rationalisation. L’extension de la rationalité du marché à toutes les domaines - et particulièrement la réduction du jugement politique et moral à un calcul coûts/bénéfices - correspondrait précisément à cette éviction des valeurs positives par la rationalité instrumentale dont Weber a prédit qu’elle serait l’avenir d’un monde désenchanté.

Mais, si précieuses que soient la théorie marxiste du capital et la théorie webérienne de la rationalisation pour qui veut théoriser certains aspects du néo-libéralisme, ni l’une ni l’autre ne donne à voir la rupture historico-institutionnelle auquel il correspond, la substitution d’une forme de gouvernementalité par une autre, et donc les modalités de résistance qu’il rend caduques et celles qu’il faut inventer pour le combattre efficacement. Le néo-libéralisme n’est pas un avatar historique inévitable du capital ni de la rationalité instrumentale. Il n’est pas la suite logique des lois du capital ou de la rationalité instrumentale suggérée par une analyse marxiste ou webérienne. Il consiste plutôt en un agencement et un fonctionnement nouveaux et contingents des deux.

En outre, aucune de ces analyses ne rend compte du tournant auguré par le néo-libéralisme - qui fait passer les rationalités et les juridictions morales, économiques et politiques, de l’indépendance relative dont elles jouissaient dans les systèmes de démocratie libérale, à leur intégration discursive et pratique. La gouvernementalité néo-libérale mine l’autonomie relative de certaines institutions (la loi, les élections, la police, la sphère publique) les unes par rapport aux autres, et l’autonomie de chacune d’entre elles par rapport au marché. Or c’est grâce à cette indépendance qu’ont été jusqu’à présent préservés un intervalle et une tension entre l’économie politique capitaliste et le système politique démocrate libéral. Les conséquences de cette transformation sont considérables.

Marcuse s’inquiétait de la disparition de l’opposition dialectique à l’intérieur du système capitaliste, dès lors que ce système « distribue les biens » - c’est-à-dire à partir du moment où, vers le milieu du XXème siècle, une classe moyenne relativement satisfaite remplace les classes laborieuses pauvres dans lesquelles Marx voyait la contradiction destructrice de la richesse concentrée du capital. Le néo-libéralisme entraîne, quant à lui, l’érosion des oppositions politique, morale ou subjective qui s’expriment dans une démocratie libérale, mais qui ne relèvent pas de la rationalité capitaliste - l’érosion des institutions, des juridictions et des valeurs tributaires de l’existence de rationalités non marchandes dans les démocraties. Quand les principes démocratiques de gouvernance, les codes civils, voire la moralité religieuse, sont soumis au calcul économique, quand il n’est ni valeur ni bien qui lui échappe, alors disparaissent non seulement les foyers d’opposition à la rationalité capitaliste, mais aussi les foyers réformistes.

À ce titre, même si les analyses de gauche ont vu dans le système politique libéral un ordre permettant de légitimer, recouvrir et masquer les stratifications de la société opérées par le capitalisme, mais aussi par les hiérarchies entre les races, entre les sexes et entre les genres, il est également vrai que les principes de gouvernance de la démocratie libérale - le libéralisme comme doctrine politique - ont fonctionné comme une sorte de contre-feu à ces stratifications. Marx lui-même l’affirmait dans La question juive, les principes politiques formels d’égalité et de liberté (et les promesses d’autonomie et de dignité individuelles qu’ils font naître) représentent une conception alternative de l’humanité : des référents sociaux et moraux différents de ceux du système capitaliste dans le champ desquels ils sont affirmés. La démocratie libérale, vis à vis de l’économie capitaliste, est, du moins potentiellement, un Janus à deux visages : alors même qu’elle encode, reflète et légitime les relations sociales capitalistes, elle leur résiste, les contre et les tempère dans le même mouvement.

Plus simplement, la démocratie libérale a ouvert, au cours des deux siècles derniers, une modeste brèche éthique entre économie et politique. Même si la démocratie libérale fait siennes nombre de valeurs capitalistes (les droits de propriété, l’individualisme, les postulats hobbesiens qui sous-tendent tout contrat, etc.), la distinction formelle qu’elle établit entre les principes moraux et politiques d’une part et le système économique de l’autre a également servi de rempart contre l’horreur d’une vie intégralement régie par le marché et mesurée par ses valeurs. Cette brèche, la rationalité néo-libérale la referme en soumettant chaque aspect de la vie politique et sociale au calcul économique.

La démocratie libérale ne peut pas se soumettre à la gouvernementalité néo-libérale et y survivre. Il n’y a rien dans les institutions et les valeurs de base de la démocratie libérale - des élections libres, de la démocratie représentative ou des libertés individuelles équitablement distribuées jusqu’à un partage modéré du pouvoir ou même à une participation politique plus substantielle - qui réponde naturellement à l’exigence de contribution à la compétitivité économique, ou qui résiste à une analyse en termes de coûts/bénéfices. Or aujourd’hui, c’est la démocratie libérale qui sombre.

Le fait que « démocratie » soit le terme dont on affuble tant de mesures de politique intérieure ou d’entreprises impériales anti-démocratiques suggère que nous sommes dans un interrègne - ou, plus précisément, que le néo-libéralisme emprunte considérablement à l’ancien régime à des fins de légitimation, même s’il développe et promeut en même temps de nouveaux codes de légitimité. (…)




1 commentaire:

  1. Le néo-libéralisme ou l'anti-chambre vectorielle d'une abominable et efficace dictature ... luciférienne

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